Les données montrent même que c’est d’un gouffre qu’il s’agit. Les fonctions importantes pour les jeunes n’existent que hors de l’école. Et il s’agit de l’essentiel de leurs apprentissages (seuls et avec leurs camarades). Pourquoi ? En grande partie - selon les membres du groupe de travail - parce que les écoles restreignent l’accès, interdisent certaines pratiques sans réelle nécessité, ne reconnaissent pas la fonction communication d’Internet. Parviennent-elles alors à transmettre les compétences de recherche documentaire, d’évaluation des sites, de recherche et de production créative qui devraient être les plus importantes pour elles ? Hélas, pas davantage.
On note clairement, quel que soit le pays concerné, que les jeunes ne peuvent acquérir les savoir-faire nécessaires dans de bonnes conditions. Parfois, comme en France, ils se révèlent des usagers sophistiqués de l’Internet, comprenant bien les aspects moraux et culturels, mais parfois ils font preuve d’une conscience beaucoup plus faible, surtout en ce qui concerne les questions d’ordre légal.
La santé ne tient plus qu’à un seul Fil
Alors que le politiquement correct présente comme illimité le potentiel créatif des nouveaux médias, on constate au contraire que cet aspect est réduit et que seuls une minorité de jeunes développent par exemple des sites personnels ou des blogs. Lorsqu’elles existent, ces créations peuvent facilement être laissées en sommeil. Il meurt aujourd’hui davantage de blogs qu’il ne s’en crée.
Il n’en reste pas moins que les mails, les messageries « tribales » comme MSN, les innombrables forums et chats, les communautés virtuelles sont autant de moyens de se raconter, de reprendre le dessus lorsque rien ne va plus, d’aider ceux qui vont mal.
Les professionnels de l’écoute individuelle ont vite compris que les moyens plus traditionnels, comme le téléphone, trouvaient dans l’Internet un relai majeur. L’Ecole des Parents et des Educateurs (EPE), l’une des plus anciennes structures d’accueil et d’écoute, peut revendiquer dans ce domaine une expérience unique. Gestionnaire de services d’écoute téléphonique pour le compte de nombreuses institutions ou communautés urbaines, l’EPE a mis sur pied, dès 1995, Fil Santé Jeunes. A l’origine, un numéro d’appel anonyme et gratuit qui compte sans doute parmi les meilleures références professionnelles dans le secteur, auquel on a adjoint (et non substitué) il y a déjà 7 ans le site www.filsantejeunes.com.
A chaque média sa fonction
A ceux qui pourraient s’étonner de la coexistence de deux outils à la vocation apparemment si proche, les responsables de Fil Santé Jeunes n’ont guère de difficultés à répondre. Par des chiffres d’abord : le numéro d’appel a fait l’objet de plus de 353 000 contacts en 2007 (près de 280 000 effectivement « traités »), le site internet de plus d’un million de visites (16 700 messages déposés sur le forum, 3 000 réponses par mail). On ne peut donc pas parler de désaffection envers le numéro d’appel « traditionnel » et la teneur des contacts établis est souvent très différente en fonction du média, comme l’indique Quentin Dubois, l’un des psychologues de l’EPE responsables du site. Les appels téléphoniques sont souvent le fait de jeunes qui cherchent un conseil d’adulte, ou qui ne sont pas assez à l’aise avec l’écrit. Le site offre des possibilités de réponse plus diversifiées, plus précises dans la mesure où elles ne sont pas « incarnées ». Il y a également le forum, où l’on peut se faire aider et aider les autres.
Sacrée mission que les « répondants » du dispositif Fil Santé Jeunes ont endossée. Ils démontrent chaque jour que le temps du seul dévouement bénévole est largement dépassé. « SOS détresse amitié », moqué dans le cultissime « Le Père Noël est une ordure » n’est décidément plus qu’un bon moment de théâtre et de cinéma. C’est celâââ ouiii.