Nez à Nez

Comment notre sens de l'odorat nous permet-il de reconnaître et de mémoriser 10.000 odeurs différentes? Il aura finalement fallu attendre 1991 et le prix Nobel de Médecine décerné à Richard Axel et Linda Buck pour savoir comment notre système nerveux parvient à différencier tant de parfums et de saveurs.
L’odorat est ce que l’on pourrait appeler un sens subtil : sur lui, notre volonté n’a aucune prise. C’est le seul organe des sens à être directement relié au cerveau. Avant d’atteindre celui-ci, les 4 autres sens passent totalement (ouïe, vue, goût) ou en partie (toucher) par le tronc cérébral.
Les chercheurs ont comptabilisé jusqu’à un millier de récepteurs olfactifs de types différents, encodés par autant de gènes. À elle seule, cette famille représente 3% de notre code génétique !

Les narines sont tapissées d’une muqueuse très fine, constituée d’une mosaïque de 50 millions de cellules nerveuses qui piègent véritablement les odeurs.
Pour beaucoup, l’odorat est peut-être le sens le plus affectif. Il est vrai que chaque odeur, chaque parfum en lien avec des événements vécus reste gravé dans notre mémoire. Au plus loin que l’on remonte, l’odorat participe de notre construction ; Le nouveau-né a immédiatement le réflexe de « fouissement ». Il va quasiment, dès sa venue au monde, aller chercher le sein de sa mère, guidé par l’odeur des sécrétions lactées. Dès l’âge de 6 jours, il saura d’ailleurs distinguer l’odeur du lait de sa mère d’un autre lait !

Certaines personnes perdent totalement le sens de l’odorat (on parle d’anosmie) le plus souvent à la suite de sinusites, de rhumes, mais aussi de consommation de psychotropes ou de tabac. Non seulement elles vivent un enfer de vie sans repères (pas d’odeur de café le matin, pas de goût aux aliments...), mais elles risquent deux fois plus que les autres d’être victimes d’un accident domestique (pas d’odeurs de gaz ou de brûlé repérées !). Seule consolation: l’épreuve du métro ou des pots d’échappement dans les embouteillages est plus facile quand, à vue de nez, il est 18h00...

Les goûts et les couleurs

Le goût étant le sens qui permet d’analyser la saveur des aliments mis en bouche, il ne peut que revêtir une importance extrême ! Plus qu’un sens, c’est un véritable marqueur culturel et il faut reconnaître que la nature nous a doté de tous les moyens d’y prêter l’attention nécessaire. On parle, souvent avec beaucoup de légèreté, des papilles : chacun d’entre nous possède en réalité 4 000 « bourgeons gustatifs » (certains jusqu’à 20 000 !), répartis pour la plupart sur la face dorsale de la langue. Mais on en trouve encore sur le palais, le pharynx, jusque sur la partie supérieure de l’œsophage. Chaque bourgeon compte encore 50 à 150 cellules sensorielles, entourées par des cellules de soutien. Avec un tel équipement, on s’étonne encore que les scientifiques les plus sérieux se soient obstinés pendant des années à ne déterminer que quatre saveurs primaires, liées à autant de types de récepteurs et de localisations sur la langue : sucré, salé, amer et acide.

Simple et de bon goût, mais peut-être un peu léger quand même ! C’est pourquoi d’autres scientifiques ont eu la bonne idée de ne pas s’en tenir à cette classification... « primaire ». Mais ils auront largement eu le temps de tourner leur langue 7 fois dans leur bouche puisqu’il aura fallu attendre1980 pour que l’on démontre définitivement que toutes les molécules sapides (qui ont de la saveur) sont reconnues de manière spécifique par le cerveau.

Aujourd’hui, on sait parfaitement que bien d’autres saveurs méritent d’être prises en compte : saveurs astringentes (thé, tanins...), piquantes (piment, gingembre...), métalliques ou grasses. On sait aujourd’hui que les informations sensorielles qui parviennent à notre cerveau sont infiniment plus nombreuses. L’odorat y joue un rôle majeur : un nez bouché par un rhume sournois réduit considérablement la faculté de goûter, mais bien d’autres sensations interviennent (une soupe n’aura pas le même « goût » selon qu’on nous la sert chaude ou froide). Le goût se découvre,se cultive et se développe. Si nos enfants ne mangeaient que ce qu’ils réclament, les quatre saveurs primaires leur suffiraient largement toute leur vie.

Les goûts et les couleurs, ça ne se discute peut-être pas, mais ça s’apprend. Simple bon sens.

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